La Commission européenne vient de présenter deux propositions législatives visant à réguler le secteur numérique dans l’Union européenne : le Règlement sur les services numériques (Digital Services Act – DSA), et le Règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act – DMA).
Les règles applicables actuellement au secteur du numérique remontent à l’an 2000, une époque où les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ne disposaient pas encore de la même influence qu’aujourd’hui. Pour la Commission européenne, il était donc temps d’agir pour actualiser la législation aux nouveaux défis du secteur du numérique.
Haine en ligne, loi du plus fort, désinformation, vente de contrefaçons : les deux textes devraient permettre d’éradiquer ces pratiques du monde virtuel, qui fragilisent aussi bien l’économie que la démocratie. Comme le martèle Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur : « Ce qui est interdit dans le monde réel l’est aussi dans le monde virtuel », citant notamment les attaques racistes, les contenus terroristes, la pédopornographie, la vente de contrefaçons ou de produits ne respectant pas les normes européennes. Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne en charge de l’Europe à l’ère du numérique, et Commissaire à la Concurrence, a précisé quant à elle, que « les deux textes poursuivront un seul et même objectif : nous protéger en tant qu’utilisateurs, clients, entreprises, afin de nous garantir un accès à un large choix de produits et de services sûrs en ligne ». Le DSA et le DMA s’annoncent donc comme le pivot de l’organisation de l’espace numérique dans lequel nous évoluerons demain.
Mais quelle est la différence entre Digital Services Act et Digital Markets Act ?
Le DSA vise à responsabiliser les plateformes et protéger l’utilisateur
Le Digital Services Act s’attaque à la régulation des contenus, c’est-à-dire à la sphère sociale du numérique. Les grands réseaux sociaux étant devenus des espaces publics, il est nécessaire que leur fonctionnement soit transparent et qu’ils puissent être contraints à modérer leurs contenus. Les grandes plateformes pourraient donc être tenues d’agir rapidement pour supprimer tout contenu illégal, défini par la Commission européenne comme comprenant entre autres le discours de haine, le harcèlement, la contrefaçon, l’utilisation de matériels protégés par le droit d’auteur, le contenu terroriste, discriminatoire, pédophile, ou encore le dévoilement d’images privées.
Sur d’autres volets concrets, et pour lutter contre la contrefaçon et la vente de produits dangereux, la vente sur internet étant propice aux arnaques, le DSA devrait imposer aux vendeurs en ligne de contrôler l’identité des revendeurs avant de les autoriser sur leur plateforme.
Le DMA entend redynamiser l’écosystème des petites et moyennes entreprises, en leur offrant un accès plus large au marché européen
Ce texte propose de mettre en place un outil d’enquête sur le marché pour détecter les phénomènes de monopole et les pratiques anticoncurrentielles, une critique récurrente à l’encontre des GAFAM. Les grandes plateformes auraient notamment l’obligation de notifier à la Commission européenne tout projet d’acquisition de firmes en Europe. Aujourd’hui, quand l’Union européenne constate un abus de position dominante, elle peut lancer des enquêtes, mais celles-ci durent généralement des années et ne sont pas suffisamment dissuasives pour les géants du numérique. Le nouvel outil d’investigation devrait permettre d’intervenir sur les marchés avant que la position dominante ne soit établie. Les critères quantitatifs et qualitatifs pour déterminer les entreprises soumises à ces règles devraient être précisés, mais on sait déjà que les infractions pourraient être punies par des amendes allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaire annuel des entreprises concernées.
Une autre nouvelle règle importante ferait son apparition pour contraindre à la transparence des algorithmes : les grandes plateformes devraient à présent dire comment elles décident des informations et produits recommandés à l’internaute. La transparence des publicités en ligne, domaine primordial pour l’Europe, est ici clairement visée. Pour éviter que des publicités comportant de fausses informations ne soient diffusées à grande échelle (cf. Brexit), de nouvelles règles d’information immédiate devraient être imposées sur les sources des publicités, comme le budget, l’auteur ou la raison de l’argumentaire utilisé.
D’autres contraintes devraient limiter l’usage des données privées et rendre obligatoire le partage de données, un enjeu clé pour instaurer une concurrence loyale : les entreprises devraient notamment ouvrir leurs bases de données aux régulateurs et aux chercheurs.
Réguler l’économie numérique de l’UE devrait profiter à l’innovation et aux PME du Grand Est
Ces nouveaux règlements seront d’autant plus importants que la pandémie de Covid-19 a accru la place du numérique dans nos vies, que ce soit pour travailler, apprendre, consommer ou se divertir. Ces nouvelles dispositions européennes seront aussi essentielles dans le contexte de relance et de numérisation de masse des commerces, le Grand Est ne faisant pas exception. La fermeture des commerces à deux reprises en 2020 a imposé au secteur marchand de basculer vers les canaux de distribution numériques. Dans cette perspective, la Région Grand Est, avec l’aide et l’engagement de la Chambre de Commerce et d’Industrie Grand Est et de la Chambre Régionale de Métiers et de l’Artisanat Grand Est, a choisi d’aider ses artisans, petits commerçants, acteurs touristiques, viticulteurs et agriculteurs via le dispositif « Grand Est Transformation Digitale » pour les accompagner dans cette mutation rapide et accélérer leur digitalisation, un accompagnement complet visant à acquérir compétences et équipements. Outre ce parcours, et en réponse directe à la crise sanitaire, un dispositif d’urgence a été activé fin 2020 pour constituer une vitrine régionale jachetelocal.grandest.fr , regroupant des centaines de commerces de proximité et des milliers de produits.
Le DSA et le DMA, qui entreront en vigueur après négociation et adoption par le Parlement européen et le Conseil de l’Union, représenteront un cadre réglementaire important s’appliquant à nos entreprises régionales, quelle que soit leur taille, et qui protégera tous les acteurs contre les dérives de la numérisation.